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L et A Spectacle
 
Christophe Colomb : Offenbach en pièces détachées
C'est l'histoire d'un opéra qui n'existe pas et qui depuis le mois de janvier irrigue de facétieuse musique les théâtres de la région Nord-Pas-de-Calais. Christophe Colomb, comédie musicale inconnue mais signée Jacques Offenbach, a obtenu une deuxième naissance au Théâtre de l'Hippodrome de Douai, sous la houlette de l'association La Clef des chants. De fait, cette opérette virtuelle avait vu le jour en 1976, à Belfast, en Irlande, soit 96 ans après la mort de son auteur. Comble de la bizarrerie, elle était chantée en anglais, idiome que le père de La Belle Hélène n'avait jamais pratiqué. Etrange genèse que celle de cette renaissance post mortem ! 1976 était l'année du bicentenaire de l'indépendance des Etats-Unis et d'un certain Don White, fondateur d'une maison de disque, Opera rara, spécialisée dans l'enregistrement de raretés lyrique, fut sollicité par la firme Coca-Cola - mais oui ! - pour imaginer une fiesta musicale inédite, afin de célébrer le glorieux anniversaire. Don White se souvint qu'un siècle plus tôt, Offenbach avait été l'invité d'honneur des Américains, justement pour fêter le premier centenaire de leur pays. Voilà Don White se mettant à jouer les spéléologues des multiples oeuvrettes oubliées du petit Mozart des Champs Elysées - Maître Péronnilla, Boule de Neige, Docteur Ox, Fleurette, Boîte au Lait et autres Braconniers ou Fantasio - et y dénichant quelques joyeuses pépites. Il tricota ainsi l'improbable odyssée d'un Christophe Colomb plus coureur de jupons que de terres inconnues. Résultat farfelu, sans queue ni tête, sourte de Grand Magic Circus avant la lettre, mais un Circus serti de perles musicales du plus bel orient.
Don White fit graver sur disque don opérette fantôme qui disparut aussitôt des mémoires. C'est pourtant son unique enregistrement qui a inspiré La Clef des chants. Ainsi, l'impayable Colomb est revenu, tel Zorro, dans un adaptation française bon teint de Pierre-Franz Wauters. Le jeune chef Gilles Nopre, directeur du Grand Théâtre de Reims et de l'Orchestre de Champagne, prit sa baguette - pas plus grande qu'une allumette - pour enflammer l'Ensemble Musica, une formation de jeunes musiciens aux talents pointus, qui a pour mission de baliser en musique villes et villages du Nord-Pas-de-Calais. Jean-Louis Jacopin se chargea d'inventer une réalité scénique aux frasques de l'imaginaire Canasova voyageur.

Serial épouseur

Décors de Jean Haas, robes et froufrous de Cidelia de Costa, il nous convient à une sorte de divertissement de salon où le serial épouseur de B.D. vogue de fiancée en fiancée pour se retrouver, in fine, à Manhattan, dans les bras d'une statue de la Liberté vivante et complètement pétée.
C'est élégant, joli à regarder et chanté avec punch par une palette d'interprètes français de bon cru : Patick Bladek, ténor à la clarté endiablée, Claudia Nauro, mezzo de velours, Nicole Fournie, soprano d'opérette, Sylvie Althaparro, aux roucoulades d'alto et déhanchements de poupée de foire. Les directeurs de maisons d'opéras devraient prévoir le voyage pour faire leur marché.

Caroline Alexander.

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